mardi 31 janvier 2012

Le seul animal capable de maltraiter froidement les femelles de sa propre espèce

Il date de 2007 et il ne me semble pas avoir déjà entendu parler de cet ouvrage (détrompez-moi le cas échéant). Même si le terme de féminicide n'est pas employé car assez nouveau, c'est bien de cette extermination sournoise dont il est question dans "Une guerre contre les femmes ?" de Jessica Mariani aux éditions Les points sur les i.

Rapportées à l'échelle mondiale, les violences et les crimes contre les femmes constituent un véritable phénomène que l'habituel traitement local minimise ou anecdotise.

Voici le commentaire de la maison éditrice qui accompagne la présentation de cet esssai qui a le mérite apparemment d'offrir une vision panoramique du phénomène:


On parle de guerres qui tuent des millions de gens, de catastrophes naturelles qui anéantissent des familles, mais parle t-on de la guerre contre les femmes ? Parle t-on des femmes violées à travers le monde 1 500 000 viols chaque année en Afrique du sud, 1 viol toutes les 6 minutes aux USA plus de 10 500 viols en France, des millions de femmes mutilées, tuées, prostituées, mariées de force, torturées, excisées, victimes de violences conjugales etc.



En prenant connaissance des chiffres concernant toutes ces violences, physiques, sexuelles, psychiques entraînant la mort, on ne peut plus parler de violence, mais d'extermination. Il existe bien une discrimination volontaire dont les femmes et les enfants sont les victimes ; il s'agit donc d'une véritable « guerre ».


Ce livre fait le procès de l'homme-assassin sans aucune demi-mesure quant à sa responsabilité et nous n'ignorons pas qu'il s'agit de la partie visible de l'iceberg.


Cet ouvrage doit permettre aux femmes de sortir de leur silence. Le silence étant la mort. Ce livre se doit d'être salutaire ! Assurément il l'est !




Un récent article de Sciences et Avenir pourrait en constituer un écho. Françoise Héritier y expose, dans le cadre du hors-série Qui est l'Homme ?*, sa célèbre thèse selon laquelle "L'Homme [est] la seule espèce dont les mâles tuent les femelles".




Des mâles TUENT des femelles et simplement le soulever serait une forme de misandrie selon certains (lu ici ou ailleurs) ... Probablement un égo bouffi et déplacé en l'occurence leur fait user de la malhonnêteté intellectuelle la plus indécente. Il est temps de considérer ces sombres personnages comme les COMPLICES de ce système meurtrier que manifestement ils sont ... à défaut d'en être pour certains les ACTANTS.


* toujours "l'Homme" et la confusion qu'engendre cette terminologie. Pour un magazine censé représenter la rigueur scientifique même vulgarisée, ce terme équivoque est un choix bien malvenu qui oriente forcément les contenus vers un androcentrisme dont on ne veut PLUS.

dimanche 22 janvier 2012

Des filles et des aiguilles

Sandra D.Lecoq
FWS, tapis laine et acrylique

C'est probablement la reconnaissance de l'Art Brut qui a permis l'émergence de l'Art Textile: autoriser tout médium, à condition qu'il soit utilisé à des fins d'expression, à pénétrer le monde si codifié de l'Art a ouvert les champs du possible.

Les travaux textiles ont longtemps souffert de n'être dévolus qu'aux femmes. Et si exceptionnellement ils étaient menés par des hommes, ils en devenaient, sinon un art reconnu, du moins un artisanat supérieur. Les tapisseries des Gobelins par exemple ont été (sont encore) commandées pour orner les lieux publics et l'intervention d'artistes, comme Fernand Léger ou Cézanne à leur époque, est courante.

Qu'ils percent enfin, majoritairement représentés par des femmes, est une bonne nouvelle à plus d'un titre.

Parce que les techniques souvent complexes de brodage, tissage, crochetage, dépassent ainsi l'utilité domestique qui a précipité leur déchéance avant même toute reconnaissance. Elles deviennent média de création et anéantissent de facto l'image d'activité imbécile que l'arbitraire masculin avait construite.

Parce que sont mises en exergue les valeurs qui sous-tendent ces activités: minutie, précision, adresse, créativité, patience et humilité. En ces temps cyniques où l'on s'impose dans de grands formats vaniteux et récolte le succès sans vraiment donner de sa personne, ce mouvement met en perspective nos cultures virilotoxiques.

Parce que manipulés, travaillés, détournés et sublimés, le fil, la laine ou le coton promettent autant que la peinture.

J'ai parcouru quelques unes des oeuvres de ce mouvement naissant et, outre  Sandra D.Lecoq dont l'une des oeuvres illustre ce billet plus haut, j'ai retenu deux artistes.

Cathy Burghi qui brode dans une apparente naïveté:


Feutre et fil sur tissus,40x40cm
Cathy Burghi 2012
Série-notre sang- fil sur toile
20x20cm 2012 Cathy Burghi




Judith Scott, artiste poly-handicapée aujourd'hui disparue, qui a tissé des cocons surprenants et émouvants au moyen d'une technique assez particulière qui en a laissé plus d'un.e pantois.e:








Photo: Léon A.Borenzstein

En espérant que cette fragile reconnaissance traversera le temps et résistera à la sur-représentation déjà prégnante des très rares hommes qui choisissent ce moyen d'expression.

dimanche 8 janvier 2012

Pleure, mon fils, tu pisseras moins

Un pisseur, une pisseuse: personne qui urine souvent selon le dictionnaire. Au sens figuré, il s'agit d'un mauvais écrivain ou journaliste au masculin et d'une insulte sexiste au féminin ...

Dans Le sexe des larmes: pourquoi les femmes pleurent-elles plus et mieux que les hommes ? de Patrick Lemoine que j'ai emprunté à la médiathèque avec la crainte, infondée au final je l'avoue, d'y trouver des réponses à la Mars et Vénus, un chapitre est consacré aux sécrétions urinaires, associées dans l'inconscient collectif aux sécrétions lacrymales.

L'auteur soulève le fait que "pisseur" (comme "pleureur" à l'exception du saule) ne s'emploient pas. Et pourtant, on qualifie "les femmes de pisseuses alors que, justement, on ne les voit jamais s'adonner à ce type d'activité" et que nombreux sont les cas où les hommes aiment à s'exhiber avec une fréquence certaine pendant celle-ci, façon marquage de territoire canin. Les bords de routes, d'autoroutes, coins de rue ou fêtes de la bière en sont témoins.

Sans parler des films où la fameuse scène du pipi-qui-cimente-l'amitié revient si régulièrement dans les scénarios que c'est à se demander si ces hommes ne souffrent pas de prostate aiguë et précoce. Même dans l'Homo Sapiens de J.Malaterre, on y voit l'un des protagonistes, rejeté du clan, uriner de dépit sur un germe de plante émergeant d'une terre asséchée dont on nous suggère la future renaissance grâce au jet fertile (tout un symbole !).

Quant aux femmes, elles se planquent. On les planque: j'ai souvenir d'une scène dans Volver d'Almodovar, une dans Attache-moi du même auteur puis une autre d'un film vu ado avec Isabelle Huppert, je crois bien, accroupie (si quelqu'un.e se remémore, je prends). C'est tout.



Les femmes seraient donc censées, à quantité égale de boisson ingurgitée, uriner beaucoup plus mais en cachette. A la page 89 de l'édition Folio du Tome 1 du Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir nous donne en exemple "la fillette [qui] a honte d'uriner accroupie, fesses nues" et poursuit "mais qu'est-ce que la honte ?" ... Qu'est-ce que la honte effectivement sinon un comportement appris ?: P.Lemoine rappelle que "Dans les cultures où les hommes portent [la robe], ils adoptent la position accroupie [...] il est courant d'observer en Inde les hommes qui s'accroupissent sans gêne aucune, au beau milieu de la rue, alors que les femmes ne se laissent jamais voir ainsi." Et d'évoquer avec justesse que la position jambes écartées place les femmes dans une position "un peu trop suggestive et vulnérable".

Encore une histoire de sexe à contrôler.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les comportements des uns et des autrEs en la matière. Comme cette façon de croire pour les uns qu'uriner de haut et sur quelque chose les rend puissants et pour les autrEs qu'être au plus près de la terre qui recueillera leur sécrétion n'est pas jouissif:


"Raphaëlle m'attira bientôt à elle: elle venait d'avoir l'idée de quelque chose qui lui ferait plaisir, mais que la honte l'empêchait de me confier autrement que tout bas. Je lui désignai alors ma meilleure oreille, et elle me confia que ses vieilles articulations lui interdisaient depuis au moins vingt ans de connaître ce plaisir de femme qui consistait à se soulager accroupie. Et que si je voulais bien lui donner mon bras et la relever, elle m'en serait à jamais reconnaissante et de bien des façons. Elle détailla, d'un air aussi mutin qu'inspiré, la puissance tellurique qu'autrefois elle tirait de cette expérience, de sorte que j'acceptai de lui donner ce plaisir, non sans regretter de ne pas partager cette proximité avec la terre-mère". pages 161-162 de l'édition Folio de Rhésus- Héléna Marienské.

Sculpture de René Julien

Pour terminer, la photo d'un pisseur avéré:






Et la semaine prochaine, je vous parle des chieuses !

lundi 2 janvier 2012

En 2012, que l'Homme disparaisse

et fasse place à l'humanité !

La Croix Rouge diffuse un appel au don particulièrement androcentré.

Le slogan principal "L'Homme est fait pour rester debout"
est le reflet involontaire mais particulièrement désolant de l'indifférence générale qui entoure la souffrance des femmes un peu partout. 

La Croix Rouge, selon ses propres termes, "intervient partout où l'homme n'a pas une vie d'homme", la majuscule n'étant même plus nécessaire pour signifier que les femmes n'ont pas voix au chapitre d'une vie décente.

Tant qu'il n'y a pas mort d'homme ... n'est-ce pas ?

Dans le spot, façon jeu vidéo, 12 hommes pour 4 femmes (1 victime, 3 bénévoles), histoire de faire mine d'inclure les femmes tout en faisant allègrement l'impasse sur la réalité qui veut que nous constituions la moitié du quota humain.
La formule appropriée ici s'appelle le déni d'existence ... à classer d'urgence parmi les violences faites aux femmes: