jeudi 14 octobre 2010

Hubertine Auclert



Les grèves, Marseille qui tient bon la lutte, les caissières du Monoprix (que les Marseillais.es de ma génération connaissaient sous le nom de Baze) qui expriment leur ras-le-bol, des femmes qui, de toutes parts, crient à l'injustice face à une réforme des retraites inique.

Marseille, des femmes en lutte, des grèves, des employé.e.s excédé.e.s, tout ça m'a rappelé ce billet sur Hubertine Auclert que je projetais d'écrire et pour lequel j'ai longtemps procrastiné.

Un billet pour raviver la mémoire de cette féministe remarquable et courageuse qui a tenu en octobre 1879 devant un parterre de plus de 1500 personnes un discours efficace et porteur lors du 3ème congrès ouvrier qui se tenait à Marseille.

Elle a tenu bon devant son auditoire, cette savante jeune femme qui réclamait pour le socialisme une dimension féministe, avançant ses arguments comme autant de pions dont on aurait calculé précisément la trajectoire sur un échiquier. Son discours pesé, mesuré, ciblé a fait mouche et l'égalité hommes-femmes a été votée peu après par le congrès.

Ne me demandez pas ce qu'en font aujourd'hui les héritier.e.s de ce parti, je n'en sais pas plus que vous ...

Ce jour-là, elle a secoué son auditoire, ne l'a pas ménagé, l'a mis face à ses bassesses et ses incohérences et malgré tout elle l'a emporté ! Je vous laisse juger sur pièce, à l'aide de morceaux piochés dans son discours, du style Hubertine Auclert:

"Savez-vous bien alors que vous nous permettrez de croire, à nous femmes, que vous avez moins le doute que la crainte de notre égalité."

"En continuant à nous laisser dans une vie atrophiante, vous imitez, vous hommes civilisés, les barbares, possesseurs d’esclaves, qui exploitent avec grand profit la prétendue infériorité de leurs semblables."

"Ou les femmes sont les égales des ouvriers et des bourgeois, ou les bourgeois, comme ils l’affirment, sont les supérieurs des ouvriers et des femmes.

"Finissez-en avec ces questions d’orgueil et d’égoïsme. Le droit de la femme ne vous ôte pas votre droit."

"« Chut ! … Ne perdons pas notre temps à nous occuper de ce détail ». Un détail ! L’exploitation d’une moitié de l’humanité par l’autre moitié ! "

"Il y a trop longtemps qu’on fait espérer aux femmes une condition sociale égale à celle de l’homme."

"Les femmes ont à se défier de ceux qui prônent l’égalité de l’avenir et qui, dans le présent, s’opposent à ce qu’elles apportent leur intelligence, leurs idées, leurs goûts dans l’arrangement de cette société future. Femmes de France, je vous le dis du haut de cette tribune. Ceux qui nient notre égalité, dans le présent, la nieront dans l’avenir."

"Citoyens, je le constate avec tristesse, vous qui vous dites les forts, vous qui faites un jeu de l’existence de celle que vous appelez les faibles. Que vous soyez riches, que vous soyez pauvres, vous exploitez les femmes."

"Nous voulons pour elles comme pour vous, l’instruction intégrale, les mêmes facilités de développement physique, moral, intellectuel, professionnel."

"O ! Prolétaires, si vous voulez être libres, cessez d’être injustes. Avec la science moderne, avec la conscience qui, elle, n’a pas de préjugés, dites : Egalité entre tous les hommes. Egalité entre les hommes et les femmes. Ascension de toute la race humaine, unie dans la justice, vers un avenir meilleur."


Le discours dans son intégralité.


Edit:  Son fameux discours s'est tenu un 22 octobre comme le Forum-débat qui se tiendra à Paris cette année: L'égalité entre les femmes et les hommes à l'épreuve des politiques publiques : la précarité des femmes à la trappe ?
Cette pure coïcidence a le mérite de révéler que l'institutionnalisation de la pauvreté caractéristique des femmes qu'Hubertine dénonçait il y a 131 ans est malheureusement toujours d'actualité.

Elle pour qui le changement devrait se faire de suite ou jamais ...

8 commentaires:

  1. Il n'y a évidemment aucune rue Hubertine Auclert. Comment se souvenir de ce nom ? Merci d'en avoir parlé. Quelle femme ! Une femme qui rend fière d'en être.

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  2. Pourtant, il y a depuis peu une rue Professeur Tournesol: on préfère se souvenir d'un personnage fictif qui n'a servi à pas grand-chose (si ce n'est nourrir des fantasmes anti-écolos et anti-poétiques du genre aller sur la Lune) que d'une femme de chair qui a fait avancer l'humanité.

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  3. une rue professeur Tournesol !!! c'est pas vrai :o( ... et pourquoi pas des rues aux noms des footeux aussi ? ... :o(
    Je ne connais Hubertine Auclert que depuis très très peu de temps. Je me suis trouvée au Père Lachaise avec des féministes, dont l'une, une ancienne, était férue d'Hubertine Auclert, disant que c'était la 1re féministe française, etc. et sa tombe est au Père Lachaise (mais je ne l'ai pas vue...) ("La sculpture sur son tombeau commémore « le Suffrage des Femmes »).
    Mais en ce moment je lis "les silences de l'histoire des femmes" de M. Perrot, et elle parle de syndicalisme et des femmes, il y a ce texte d'Hubertine Auclert.
    comme quoi, c'est hyper important que ce soit nous qui portions ces noms et ces paroles. J'ai ADORÉ son texte, et quel culot elle a eu de le déclarer devant les ouvriers ! c'était +++ nécessaire !

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  4. Voici un portrait d'Hubertine Auclert :
    http://pelenop.fr/?p=545

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  5. @ Emelire

    J'ai lu aussi "Les femmes ou les silences de l'histoire" et je me suis régalée. Michelle Perrot est l'une des rares historiennes à parler des femmes dans une perspective féministes.

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  6. @ Pénélop

    Merci pour le lien (j'avais loupé cet article). Je ne savais pas qu'elle était à l'origine du contrôle des femmes sur leur propre salaire.

    Quelle militante ! A rajouter à notre PanthéonNE de féministes !!!

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  7. A propos de Tournesol : ouais on préfère même des hommes qui n'existe pas à des femmes qui existent, c'est dire !

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