mercredi 1 septembre 2010

De l'étrange plaisir d'humilier

La soirée Théma sur Arte n'aura pas répondu à l'interrogation qui l'a initiée: "Femmes, pourquoi tant de haine ?".

Pourquoi tant de haine ? Personne n'y a répondu, aucune piste. On a pointé du doigt une certaine catégorie de la population (pour que l'autre puisse misogyner et islamophobiser tranquille ?) mais pas de réponse à l'horizon. Moi, j'aimerais bien comprendre pourquoi. Quand on sait pourquoi, on approche des solutions.

Loin d'étancher ma soif de réponse.s, le documentaire sur le rap sexiste a, de surcroît, fait surgir des questions.

On y apprend qu'aux Etats-Unis, puisque le reportage a été tourné là-bas, les rappeurs triplent leurs ventes si les mots "chienne", "pute" ou "salope" apparaissent dans le texte et que des postérieurs dénudés de femmes animent leurs clips. Partant, ils ne se privent plus de surenchérir à qui sera le plus méprisant envers les femmes avec des clips porno-gore et des textes comparables à ceux d'OrelSanglant ou TTC ici.

Pour résumer, la misogynie est un angle artistique des plus lucratifs. Bon, ça c'est dit et ça ne m'étonne pas plus que ça.

Si je suis un certain raisonnement logique, ça fait vendre parce que le public aime ça, est en demande. On utilise "salope" parce que certaiNs réclament de la "salope". Jusque là, j'arrive à suivre.

Par contre, je ne comprends pas que l'on retire un certain plaisir à insulter gratuitement un groupe de personnes, à éprouver du plaisir à le rabaisser, à lui refuser le même statut, la même dignité que les autres. Ce groupe serait ou aurait été violent, vindicatif, coupable d'atrocités répétées ou pas, on comprendrait aisément une certaine velléité de vengeance.

Or, qu'ont-elles fait à la fin ces femmes ? Qu'ont-Ils de si terrible à leur reprocher pour les traiter (partout et pas que dans les cités) comme une sous-espèce et à s'en féliciter mutuellement ?

Dans un centre aéré cet été, en France, en zone rurale sans souci, des garçons de 7 ans à peine se sont lancé jouissivement des "Ta mère la chienne", variante spéciste du "Ta mère la pute".

Ce qui nous ramène à la question de départ "Pourquoi tant de haine ?".

9 commentaires:

  1. J'ai regardé aussi et j'ai été déçue du retrait du premier film de 45 minutes promis sans véritable information d'Arte, ni sur leur site, ni sur le forum, ni de Daniel Leconte. Les extraits mis sur Rue89 font froid dans le dos. Véritables menaces ou censure ? A suivre puisqu'Arte a promis de diffuser ultérieurement. Le film américain avait le mérite de montrer des femmes militantes féministes dénonçant la haine.

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  2. @ Hypathie

    Merci pour le lien, j'ai regardé les trois vidéos. Ca m'a fait froid dans le dos, comme tu dis, d'autant plus que ce sont des situations que je retrouve dans le coin où j'habite qui est pourtant un milieu rural(jeunes filles surveillées par leur.s frère.s parfois plus jeunes qu'elles, insultes, bandes de jeunes hommes qui refusent de s'afficher avec des "gonzesses" et qui accaparent l'espace public, virilisme affiché et soumission des filles exigée). Je suis assez inquiète de constater que le machisme se "démocratise" si vite ...

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  3. J'ai vu le peu de vidéo disponoble sur la toile. Faudra que je regarde s'il n'y a pas un replay sur le site d'Arte.
    Quant aux discours des garçons je retrouve les mêmes discours que j'entendais quand j'étais au collège. Rien de nouveau sous le soleil si ce n'est une acceptation de plus en plus accrue de ces propos. Ils sont devenus complètement normaux et anodins.Honnêtement je ne sais pas où on va.

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  4. @ Alice
    où on va? Mais vers des zones de non-droits comme il en existe déjà et qui sont les cités où personnes d'autres que leurss habitants ne mettent les pieds, mais en plus vaste, plus étendu. Des villes entières, des départements entiers d'ici dix quinze ans, peut-être même des régions entière d'ici 20 ou 30, à mon avis. Genre Bosnie ou Albanie. Chômage aidant...

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  5. @ Alice

    Je dois être plus âgée que toi car quand j'étais au collège dans les années 80, le sexisme était moins palpable (époque trop proche des années MLF, probablement). Et c'est vrai que, mère de deux ados, je constate une dégradation dans la façon dont les filles se perçoivent. Beaucoup acceptent que leur "petit ami" les insultent, les cloîtrent ou décident de leurs tenues et de leurs fréquentations.

    Moi non plus je ne sais pas où on va et j'avoue que je compte sur la mobilisation féministe pour enrayer le phénomène. Ce qui constitue un mince espoir vu le nombre de personnes qui se foutent bien pas mal de ces questions pourtant cruciales dans une perspective de société bienveillante.

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  6. J'étais au collège dans les années 90. Je suis rentrée en 6eme à 10 ans. C'était un tout petit village mais qui faisait un peu office de cité. Beaucoup de zones HLM (j'y vivais dedans). Au collège c'était violences verbales et physiques. Un jour un des garçons de ma classe m'a lancé des pierres. En pleine cours devant les autres élèves et surtout devant les profs. J'ai aussi eu un couteau sous la gorge. A 12 ans. Le gars en avait 14. Dans la cours aussi. Personne ne bronchait. Et moi bien sûr je n'osais rien dire. Je parlais à demi-mot. Les réponses qu'on me donnait: "mais les garçons embêtent les filles, c'est comme ça, c'est normal". Curieusement c'est à partir de ma 6eme que j'ai commencé à être insomniaque et à avoir des crises de spasmophilie et tétannie.

    J'ai quitté ce collège car on a déménagé et que point de vue résultat scolaire ce collège faisait triste mine: un taux d'échec ahurissant au brevet des collège, de nombreux élèves de 3eme déjà majeurs. Dans l'autre collège moins de violence et en tout cas plus de violence physique. Collège ultra huppé peuplé de gosses d'avocat, de chirurgien. J'ai vite compris que mon père n'était qu'un pauvre petit employé mais j'ai quand même été plutôt bien acceptée en tant que "pauvre". En tant que fille, si pas de violence à l'encontre des filles de la classe (en tout cas physique car verbale si), violence contre les femmes en général lors de discussions qu'on pouvait parfois avoir en français sur un texte ou en histoire. C'était du genre "un coup de poing à sa femme non, c'est trop mais une bonne gifle si elle devient hystérique ou n'écoute pas ça peut pas lui faire de mal" ou encore "je suis contre les femmes au foyer. C'est bien qu'elles travaillent pour avoir un peu d'argent comme de l'argent de poche. Mais je ne comprends pas pourquoi on leur a donné le droit de vote. A quoi ça leur sert? Qu'est-ce que ça peut faire à une femme de voter? C'est pas leur ressort". Et d'autres encore comme ça. Et je te jure que c'est vrai. Ca remonte à loin mais je me rappelle de toutes ces phrases, tous ces dénigrements comme si c'était hier. Parfois j'y repense et je fais le lien entre ma vie complètement pourrie et ton billet sur la destruction des femmes par la société. Je ne me définissais pas encore comme féministe car c'était un mot très inconnu et très mal vu mais je voyais bien que le problème venait du fait que l'on soit homme ou femme. J'ai vite vu que je pouvais changer de classe sociale et être accepté un jour dans un milieu plus élevé. Sur le papier aujourd'hui j'ai un niveau de cadre. Je m'en fout comme d'une guigne, je ne prends pas les titres ni la catégorie sociale en considération mais pour dire que changer de classe c'est possible même si c'est pas évident, loin de là. Mais quand on est femme...que dire? On ne sera jamais au niveau d'un homme.

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  7. @ Alice

    Ben dis-donc quel calvaire tu as dû passer au collège :(

    Tiens c'est "drôle": moi aussi j'ai souffert de crises de spasmophilie quand j'avais une vingtaine d'années. Le docteur m'a dit que c'était une maladie de filles (plus fragiles, plus émotives, blablabla). Depuis, j'ai connu des hommes qui en souffraient aussi mais ils n'en parlent pas forcément (ça fait trop "gonzesse", la honte ...).

    "mais les garçons embêtent les filles, c'est comme ça, c'est normal"

    Il n'y a rien qui m'énerve autant que ce fatalisme confortable. Et puis c'est amené comme un droit reconnu des garçons sur les filles.
    C'est ce qui se disait à propos des garçons qui s'amusaient à mettre le feu aux cheveux des filles dans le car scolaire de mes filles.

    Je me rappelle aussi de discussions sur le droit de vote à l'école. Comme à ton époque, ça n'était pas vu comme une évidence et cela donnait lieu à des débats ... je trouvais ça super humiliant. Ce genre de choses ajoutées aux autres, j'ai longtemps eu honte d'être une fille.

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  8. Le moteur de la haine, c'est la peur. Ils ont peur des femmes. Un texte intéressant ici:
    http://colblog.blog.lemonde.fr/2010/09/08/psychanalyse-des-fanatiques/
    Dommage que tous les prêcheurs d'Amour de l'Autre ne commencent pas par voir l'altérité première dans l'autre moitié de l'humanité.

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  9. Merci, vraiment intéressant ce texte dont je me méfiais un peu car provenant de l'assez réac Nouvel Obs.

    Je suis tombée récemment sur une inerview de Richard Poulin qui faisait le lien entre émancipation (relative mais offensante pour les hommes, la moindre avancée étant toujours de trop) des femmes en Occident et montée de la pornographie et de la prostitution. Les femmes avancent d'un côté, on les humilie de l'autre. Parce que le noyau de peur (des femmes, d'un féminin fantasmé) n'a jamais été mis au jour et qu'il continue à ronger les rapports qu'entretiennent les hommes avec les femmes.

    Je pense que la capacité d'enfanter, seule expérience humaine non partageable entre les sexes, y est pour beaucoup aussi.

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