jeudi 23 septembre 2010

Ces yeux qui te regardent, et la nuit, et le jour

C'est le titre d'un recueil de textes diffusé par l'intermédiaire de Télérama à l'occasion du 23ème Festival du Livre de Mouans-Sartoux qui se déroulera cette année du 1er au 03 octobre 2010.

Le thème cette année: EtatS d'urgenceS.

Outre les contributions qui prennent aux tripes de Nadia Kaci (auteure de Laissées pour mortes-Hassi Messaoud) et Marie-Louise Gourdon, Françoise Héritier y parle de la violence sexuée à partir de son travail d'ethnologue:

" Lorsqu'on parle de la violence sexuelle, il n'est pas rare d'y voir associée l'idée de bestialité. En fait, c'est une erreur considérable. Ce n'est pas parce qu'ils sont proches des animaux que les hommes se rendent coupables de violences sexuelles.

Au contraire.

C'est la pensée, et seulement la pensée élaborée par nos ancêtres pour donner un sens au réel observé, qui est en cause, lorsqu'on examine de près les conditions de la violence sexuée, qu'elle soit publique ou privée.

Car de toutes les espèces animales répertoriées, il nous faut bien convenir que [l'être humain]* est la seule espèce où les mâles tuent les femelles."


* "l'homme" dans le texte originel, remplacé par mes soins par "l'être humain" pour plus de clarté.

10 commentaires:

  1. Voici ce que dit Konrad Lorentz (inventeur de l'éthologie moderne -l'éthologie c'est le comportement des animaux sauvages et domestiques) à propos des humains : "L'agressivité de l'homme est instinctive. Les êtres humains n'ont pas développé de mécanismes inhibiteurs de l'agressivité pour assurer la survie de l'espèce. Pour cette raison, on considère que l'homme est un animal très dangereux". Lorentz était pour le désarmement nucléaire. On peut lire avec profit de Lorentz : De l'agression, une histoire naturelle du mal. C'est passionnant. On y apprend les comportements de "bandes anonymes", et que les rats sont racistes : ils peuvent lyncher un rat qui vient d'un autre groupe de rats ! Entre autres évidemment, l'ouvrage est très riche, et plutôt accessible.

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  2. "L'agressivité de l'homme est instinctive. Les êtres humains n'ont pas développé de mécanismes inhibiteurs de l'agressivité pour assurer la survie de l'espèce. Pour cette raison, on considère que l'homme est un animal très dangereux"

    Ben, je sais pas ... pourquoi les femmes seraient largement moins violentes alors ? Elles sont quand même la preuve que ces mécanismes d'agressivité peuvent être maîtrisés. Je pense plutôt, comme Françoise Héritier, que la violence est une démarche construite et intellectualisée et non pas un instinct.

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  3. dans le règne animal, c'est effectivement plus souvent la femelle qui tue le mal une fois qu'elle l'a attiré comme une sirène et qu'elle lui a fait un gosse (mante religieuse, veuve noire)
    mais bon, les parallèles avec le monde animal, c'est comparer des pommes et des poires

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  4. Ca ne ma paraît pas contradictoire : Lorentz, à travers son vécu d'éthologue explique avec des mots d'éthologue donc de comportement animal (prédation, agressivité, parade, instinct, rituels...) comment il voit les humains. Chez les animaux, l'agressivité (intra-espèce) est inhibée par la parade : un mâle qui veut convaincre une femelle qu'il a les meilleurs gènes pour lui faire un petit ne tue jamais son adversaire ; il se contente de lui faire courber la tête ou de lui faire toucher terre par les bois pour les cerfs, il peut y avoir des blessures, elles ne sont jamais mortelles ; d'autre part, les vétérinaires disent aux propriétaires de chiens que "la socialisation s'oppose à la prédation" ; chez nous aussi, la socialisation s'oppose à se servir de ses poings pour faire valoir son point de vue. Les hommes qui cognent ne savent pas se servir de mots ; les femmes en général sont plus à l'aise avec les mots, plus sociables, elles sont donc moins prédatrices ; l'éducation chez les femmes est inhibitrice de la violence : le nombre de fois où je suis taxée d'agressive -par des femmes !- alors que je défends fermement mon point de vue- ; l'éducation des garçons tend à les désinhiber au contraire, je trouve ; les comportement brutaux et violents sont soit valorisés, soit excusés (c'est un homme : il en a ! va-ton dire ) ; les animaux ne sont pas agressifs dans leur immense majorité, ils sont au contraire craintifs, surtout les animaux sauvages et même les domestiques. Présenter les animaux comme bestiaux assoiffés de sang, c'est de la rhétorique humaine (fausse), pour justifier de les tuer. C'est quand ils sont acculés et menacés dans leur vie qu'ils deviennent agressifs. De plus, les animaux sont aussi je trouve plus culturels/cognitifs que nous voulons bien le reconnaître : ils apprennent et transmettent. Il suffit de visiter un élevage en batterie de cages pour le comprendre : ils apprennent à se servir de dispositifs, d'artefacts anti-naturels très sophistiqués, mieux, on montre à un seul individu, et ils se transmettent le savoir par l'imitation. Je n'ai jamais été attaquée physiquement et violemment ni par un animal ni par un humain et je ne me le souhaite pas ; en revanche, ce que je me souhaite, si cela devait malheureusement arriver, c'est que j'arrive à débrancher mon néo-cortex (très présent chez les femmes qui négocient leur mort avec leur prédateur dans certains cas !!!) et à laisser les commandes à mon cerveau reptilien, le seul capable de me sauver la vie dans ce cas précis. Alors, la violence (gratuite) construite et intellectualisée, chez les hommes, OK ; elle n'existe pas chez les animaux. Ils sont incapables de se détruire en tant qu'espèce ; nous : oui. Espérons qu'avant, on se trouve un bon système inhibiteur !

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  5. Moi ce qui m'a choqué c'est le film de Jean-Jacques Annaud "la guerre du feu" dans leque l'homme est présenté réduit à une "bestialité" que les bêtes ne connaissent absolument pas : à savoir le type qui se jette toute bite dehors sur le postérieur de la femme pendant qu'elle a le dos tourné et se penche pour boire à la rivière !
    Faut le faire ! Même les animaux accompagne la copulation de formes ! Là c'est genre la tique qui tombe de son arbre dans les poils du mammifère qui passe. C'est de cet ordre. Il ne faut pas avoir beaucoup de jugeotte pour imaginer chez nos ancêtres préhistoriques une primitivité aussi imbécile. Mais depuis ce film super stupide tout le monde croit qu'avant notre "fantastique" évolution, l'accouplement ne se distinguait pas du viol. Le "génial" J.-J. Annaud a persuadé la planète entière que le viol est la forme primitive de la relation homme/femme et l'accouplement consenti un acquis culturel. Or, à mon avis, c'est exactement l'inverse.

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  6. @ Corinne

    Je vois où vous voulez en venir ... Il n'empêche que la faculté de pousser le raisonnement, propre aux humains, est utilisée à des fins de destruction préméditée. Et c'est en cela que comparer animaux et humain.e.s n'a plus de sens.

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  7. "Présenter les animaux comme bestiaux assoiffés de sang, c'est de la rhétorique humaine (fausse), pour justifier de les tuer. C'est quand ils sont acculés et menacés dans leur vie qu'ils deviennent agressifs."

    Tout à fait et cela rejoint l'idée que la fameuse aggressivité sanguinaire et gratuite que l'on prête aux animaux est plutôt à chercher du côté de la violence masculine. Celle-ci n'est pas dictée par un sentiment de légitime défense mais par une construction intellectuelle fondée sur la haine.

    PS: désolée pour la réponse super tardive, j'ai eu beaucoup de travail cette semaine et je me suis contentée de publier vos messages sans avoir le temps d'y répondre.

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  8. "Mais depuis ce film super stupide tout le monde croit qu'avant notre "fantastique" évolution, l'accouplement ne se distinguait pas du viol. Le "génial" J.-J. Annaud a persuadé la planète entière que le viol est la forme primitive de la relation homme/femme et l'accouplement consenti un acquis culturel. Or, à mon avis, c'est exactement l'inverse."

    J'aime beaucoup cette réflexion. Effectivement, je pense aussi que c'est le viol qui est un "acquis culturel". D'ailleurs je ne crois pas me tromper en disant que le viol n'existe pas chez les animaux et donc chez nos ancêtres primitifs finalement peut-être plus évolués en termes de respect.

    PS: désolée également pour la réponse tardive ;)

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  9. Attention à l'anthropomorphisme en parlant de viol chez les animaux! Mais il semblerait que ça existe plus ou moins quand même chez certaines espèces. Un éthologue américain qui a étudié les babouins pendant des années en parlait dans une quelconque émission animalière. En gros, quand un des mâles dominants voulait s'accoupler avec une guenon, il n'y mettait pas franchement les formes. C'était plutôt: la guenon passe avec une copine, le mâle arrive et la prend sans autre forme de procès, ça ressemblait bougrement à la description que vous faites de la scène de la rivière. De façon assez intéressante, tout cela a changé après la mort de presque tous les dominants agressifs (en gros, ils s'étaient réservé la consommation de nourriture avariée): les relations au sein du groupe, soudain, étaient nettement plus pacifiques, retour des parades nuptiales entre mâles et femelles...

    Bon, après, faut pas exagérer l'importance révélatrice de telles comparaisons. Surtout quand on évoque la sexualité cyclique d'animaux à chaleurs, à vocation surtout reproductive etc. qui n'a qu'un lointain rapport avec la sexualité humaine.

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  10. @ Jean-François

    Justement, parler de viol chez les animaux, babouins ou autres, est anthropomorphique. Le viol et la violence gratuite sont purement culturel.le.s. Avec la culture apparaît la névrose, le besoin de dominer sans autre motif que de prouver sa supériorité. Ce qui est différent du motif de survie (Hypathie l'a très bien expliqué plus haut). Or, chez les animaux, pas de culture, de névrose, de pulsion de domination aveugle. Si certaines espèces s'en rapprochent, comme les babouins que vous citez en exemple, c'est qu'elles font preuve d'une certaine "évolution" dans leurs rapports sociétaux, qu'elles se rapprochent du fonctionnement humain en accédant à une culture de la violence.

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